Une branche disparue du Nil éclaire les égyptologues sur la construction des pyramides

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La construction des pyramides d’Egypte a toujours été baignée de mystère. Si les égyptologues ont réussi à décoder de nombreux secrets des célèbres tombeaux de pharaons, on ne sait pas encore tout sur leur édification. Une récente découverte pourrait amener plus d’indices sur la manière dans les blocs de ces colossaux monuments ont été acheminés jusqu’à Gizeh.

Imaginez le paysage. Nous sommes sur les rives du Nil, oasis de vie en plein désert, il y a 4000 ans. Entre les roseaux et les papyrus, des navires remplis d’imposants blocs de pierre accostent le long des berges pour décharger leur lourde cargaison en provenance des carrières du sud du pays. À l’arrière, à quelques centaines de mètres à peine, un chantier titanesque… Ou plutôt pharaonique ! Celui d’une pyramide.

La scène ne nous paraît pas étonnante. Et pourtant celles et ceux qui ont eu l’occasion de se rendre en Égypte et de visiter le site de Gizeh le savent, le Nil ne coule pas au pied des pyramides. Le fleuve, seul cours d’eau du pays, se trouve à plus de 7,5 km du site archéologique. Comment donc les anciens Égyptiens ont-ils fait pour acheminer ces blocs de plusieurs tonnes jusque-là par la terre ? Eh bien ils ne l’ont pas fait. Pas par la terre, en tout cas. 

Cet ancien cours du fleuve faisait entre
200 et 700 mètres de large.

Des scientifiques viennent de découvrir un large bras tari du Nil qui s’écoulait sur 64 km de long, reliant entre elles 31 pyramides, dont celles de Gizeh, mais aussi de Saqqarah, de Dahchour, d’Abbousir et de Licht. Des monuments érigés il y a entre 3700 et 4700 ans, sous l’Ancien Empire et le Moyen Empire. Cet ancien cours du fleuve faisait la même largeur que l’actuel, soit entre 200 et 700 mètres.

Le bras asséché, qui coulait parallèlement au lit actuel du Nil, a donc permis aux navires d’acheminer les matériaux au plus près des chantiers. La grande majorité des pyramides d’Egypte, qui se trouvent aujourd’hui en plein désert, ont été bâties près de l’eau, à environ 1 km des berges pour la plupart. Beaucoup de ces tombeaux étaient sans doute reliés à des temples situés le long de la rive, qui devaient permettre d’effectuer les rites nécessaires à la dépouille du pharaon avant de l’acheminer vers sa dernière demeure.

Des résultats que n’avait jusqu’ici permis
aucune autre technologie.

Nommé Ahramat (traduction arabe pour "pyramides", cette branche disparue) n’a été découverte que récemment, car elle était bien cachée sous le limon des terres agricoles et les remblais de sable. Les géologues ont donc eu recours à l’imagerie radar par satellite pour formellement identifier l’emplacement de plusieurs portions du fleuve asséché. Des résultats que n’avait jusqu’ici permis aucune autre technologie que ce soit la photo aérienne ou par satellite. Une fois trouvés, les scientifiques ont pu se rendre sur les sites pour mener des études de sols et des carottages.

On savait déjà que le fleuve avait été utilisé pour le transport de blocs, et que la branche utilisée n’existait plus aujourd’hui. Pour preuve, des traces archéologiques d’anciens ports bâtis à proximité des nécropoles. Cependant "personne n’était certain de l’emplacement, de la forme et de la taille de cette méga voie d’eau", a confié à l’AFP la directrice de la recherche, Eman Ghoneim, de l’Université de Caroline du Nord. Cette dernière a cosigné l’article paru la semaine dernière dans la revue Communications Earth & Environnement.

Le plus long fleuve du monde a bien changé
depuis 4000 ans.

  © AFP or licensors / Au Caire, le Nil coule désormais bien loin des pyramides 

Si le bras d’eau a disparu, c’est que le visage du plus long fleuve du monde a bien changé depuis quatre millénaires. Connu pour ses crues, le Nil avait pour habitude de changer de parcours à de nombreux endroits, quand ce n’est pas la désertification que perturbait son tracé. Sans parler de l’urbanisation moderne qui a vu fleurir villes et quartiers denses. La construction du barrage d’Assouan, dans les années 1960, a mis un terme aux caprices du fleuve antique qui ne bouge aujourd’hui plus de son tracé.

  (Article du site de la rtbf du 21 maI 2024)